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AFP
Interview - Selon David Belliard, administrateur d’Île-de-France Mobilités et adjoint d’Anne Hidalgo, le plan de mobilité présenté par la majorité régionale n’est « pas la bonne » Lundi dernier, 12 juin 2023, s’est tenue la réunion politique de concertation et de finalisation du « plan Mobîdf », destinée à définir les objectifs et actions de la région Île-de-France en matière de mobilités à l’horizon 2030. Transports collectifs, place du vélo, partage de la voirie urbaine… tous les sujets y sont abordés.
Si la présentation du plan au conseil d’Île-de-France Mobilités (IDFM) est prévue en octobre prochain, les premières discussions montrent qu’il reste encore du travail pour accorder toutes les parties. L’opposition régionale dénonçant un soutien massif à la voiture individuelle de Valérie Pécresse, présidente de la région et d’IDFM. Pour 20 Minutes, David Belliard, vice-président d’IDFM et adjoint de la maire de Paris en charge de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités et de la voirie, prend position.
Vous ne semblez pas optimiste à la sortie de cette première concertation, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
La majorité régionale, avec à sa tête Valérie Pécresse, nous a présenté la première version du plan des mobilités d’Île-de-France. C’est un document extrêmement important puisque c’est celui qui va cadrer la stratégie de la région sur les prochaines années en matière de mobilités. Une stratégie à laquelle la Ville de Paris va devoir s’intégrer dans ses documents réglementaires. À la lecture de ce document, je constate que la position de la majorité régionale n’est toujours pas la bonne.
Parce qu’il faut regarder la réalité et le cœur des documents qui sont proposés. Que ce soit dans le SDRIF (le schéma directeur de la région d’Ile-de-France - NDLR) ou le plan Car express régionaux (CER), l’une des seules solutions proposées, c’est l’agrandissement des routes existantes et la création de nouvelles autoroutes. Pour le CER, ils proposent la création de nouvelles voies réservées, là ou l’urgence est à la réduction de la place réservée à l’automobile. Le SDRIF préconise, lui, de continuer à faire de la Métropole du Grand Paris un « hub » routier structurant qui doit être « conforté ». C’est-à-dire que pour lutter contre les congestions, il faudrait augmenter et élargir la voie dédiée aux automobilistes.
Ne serait-ce pas une solution aux problèmes de circulation des Franciliens ? On sait depuis les années 1960 que plus vous créez de voies, plus les gens utilisent la voiture et plus vous créez de congestion. Prenons l’exemple de Los Angeles, c’est une ville qui propose des 2x9 voies et c’est l’une des villes les plus congestionnées du monde. Pourtant, Valérie Pécresse a encouragé à plusieurs reprises le covoiturage…
C’est cynique quand on voit son opposition frontale à la voie dédiée au covoiturage et aux transports en commun sur le périphérique… Il y a les paroles et il y a les actes. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut réduire l’impact de la voiture individuelle. Personne ne va se risquer à dire le contraire. Mais la réalité que Valérie Pécresse et son équipe préparent, c’est une politique du « tout voiture individuelle ». Une politique à l’ancienne, du Pompidou rénové, avec une bonne couche de greenwashing par-dessus. On le voit à son leitmotiv de la campagne qu’ils mènent contre toute transformation du périphérique : « Touche pas à mon périph' » C’est le grand retour de l’ancien monde centré sur la voiture. Il faut sortir de cette logique.
Il y a une nécessité de changer nos modèles de mobilité et pas uniquement dans les centres urbains. Nous devons sortir du « tout individuel » motorisé pour aller vers des modes de transport plus « doux », comme le vélo, et plus collectifs. Cela signifie de prioriser les transports en commun dans notre politique. Les gens crèvent de chaud en prenant le métro ou le RER ! C’est un enjeu climatique, mais aussi de santé publique pour améliorer la qualité de l’air et réduire les nuisances sonores. Et plus globalement, il s’agit de récupérer de l’espace et transformer nos centres-villes pour éviter l’artificialisation des sols avec de nouvelles routes et autoroutes qui conduisent à un étalement urbain débridé.
Nous devons sortir de cette vision figée du réseau actuel (réseau magistral, réseau structurant, réseau secondaire) et avoir une vision plus prospective. Par exemple, nous posons la question de l’avenir des autoroutes type périphérique en plein cœur urbain. Peut-on en faire des voies plus apaisées ? Peut-être un boulevard urbain ? Parce qu’il y a des gens qui vivent à 30, 40 ou 50 mètres du périphérique et qui sont surexposées à ses nuisances littéralement invivables.
Mais il y a de fortes inégalités dans la région face aux transports en commun et aux mobilités douces, vous ne pouvez pas les ignorer ? Tout à fait. La situation à Paris est très singulière parce qu’il y a beaucoup d’alternatives comme le bus, le métro, le Vélib’, etc. Il existe de multiples façons de se déplacer sans avoir recours à la voiture individuelle. Mais ce n’est pas le cas d’une grande partie de l’Île-de-France. Mais au lieu de penser « Ils doivent utiliser leur voiture », nous devons proposer des alternatives à 100 % de la population de la région. C’est ce qui devrait nous mobiliser en tant qu’élus. C’est pourquoi nous accompagnons les prolongements des lignes 11, 12, 14 ou 15 du métro par exemple. C’est pourquoi aussi nous travaillons sur la question du bus qui est primordiale. J’ai d’ailleurs rencontré Jean Castex, PDG de la RATP, au sujet d’une amélioration quantitative et qualitative de nos transports en commun pour sanctuariser les parcours des bus, qui sont des solutions de substitution à la voiture individuelle.
Je sais bien qu’il sera difficile de proposer une alternative complète à tous les habitants d’Île-de-France, il y a des trous dans la raquette. Mais c’est l’horizon que nous devons viser.
Comment faire alors pour ceux qui vivent loin du centre urbain parisien et des transports en commun mais qui doivent se déplacer ? Ce ne sont pas ces personnes qui sont visées. Parce que justement, elles sont dans des zones grises, et assignées à leur véhicule individuel. Toutes ces personnes payent les conséquences de politiques d’aménagement centrées sur la voiture et l’inaction des gouvernements successifs sur le développement des transports collectifs du quotidien. C’est un big bang territorial de l’Ile-de-France qu’il faudrait pour sortir de la dépendance automobile. En rapprochant les lieux de travail et de loisir des lieux d’habitation, le report vers la marche ou le vélo devient la solution. Mais aujourd’hui, Il y a aussi urgence à centrer massivement les aides vers ces populations pour qu’elles puissent disposer de véhicules basses émissions, qui respectent les règles des ZFE (Zones à faibles émissions). Et que grâce à la réduction du nombre de voitures individuelles, de ceux qui disposent de transports en commun, ces populations puissent bénéficier de réseaux routiers réduits mais apaisés. L’objectif ici n’est pas de supprimer totalement la voiture, mais d’arrêter son usage massif.
Source: 20minutes.fr
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