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Un écolier de 10 ans, scolarisé à Saint-Bonnet-le-Château (Loire), s'est suicidé samedi 29 avril. (Image d'illustration) - Credit:JC MILHET / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Le groupe scolaire de Saint-Bonnet-le-Château (Loire) était en émoi mardi 2 mai, raconte Le Progrès. Et pour cause : les parents d'élèves avaient été informés par mail du suicide d'un élève de CM2. L'enfant, âgé de 10 ans, a mis fin à ses jours au domicile familial samedi 29 avril. Une cellule psychologique a immédiatement été mise en place à son école pour faire face au choc.
Le procureur de la République de Saint-Étienne a indiqué mardi qu'une enquête avait été ouverte pour déterminer les causes de la mort de cet écolier. Une autopsie a confirmé « la thèse du suicide », même si « des analyses complémentaires doivent être réalisées ».
Dans un récent article copublié avec l'enseignant-chercheur Raphaël Hoch sur le Cairn, Emmanuelle Piquet écrivait : « Pour faire face à ce fléau, les stratégies retenues par les institutions s'organisent autour de deux pôles, le premier est d'ordre préventif, les mesures visent à abaisser la probabilité d'apparition du phénomène, alors que le second, curatif, recouvre les méthodes de traitement de l'agression. Notre propos va se centrer sur ce dernier, où deux approches se disputent le devant de la scène pour faire cesser le harcèlement : intervenir auprès du ou des harceleurs ou développer les compétences des victimes pour qu'elles puissent y mettre un terme elles-mêmes. » L'essayiste a donc fait le choix de la seconde approche, qu'elle juge plus efficace et plus durable. Entretien.
Emmanuelle Piquet. Le harcèlement est une interaction dysfonctionnelle que l'on définit de la manière suivante : une sorte d'escalade complémentaire, en ce sens qu'il y a souvent un enfant ou un adolescent chef de meute qui est souvent en position haute et un enfant seul en position basse, sous emprise, de plus en plus recroquevillé sur lui-même. C'est cette escalade-là qui définit le mieux la problématique du harcèlement. Il n'y a pas de profil type, mais à un moment donné cette interaction qui se met en place et qui est d'ailleurs la même dans les cas de violences conjugales. Notre métier va consister à remettre l'enfant harcelé en position haute, à l'aider à reprendre le contrôle de la relation.
Il n'y aurait, dès lors, pas de terreau propice à ce qu'un enfant devienne « harceleur » ou « harcelé » ?
Absolument pas. Ce qui est très prégnant en amont du harcèlement, c'est la vulnérabilité présumée de l'enfant harcelé. Elle est présumée par ceux qui harcèlent, qui ont une sorte de radar pour déceler qui est potentiellement vulnérable à un instant t et qui généralement ne se trompent pas. Par exemple, si je mets cinq enfants de classe de cinquième devant vous, a priori vous ne saurez pas me dire lequel est harcelé. En revanche, si je mets ces mêmes cinq élèves devant d'autres enfants du même âge, ils sauront le dire. Ils ont en effet ce radar qui détecte la posture qui est plutôt vulnérable.
Quand passe-t-on des moqueries au harcèlement ?
Cette question montre le paradoxe très moderne dans lequel on se trouve actuellement : au fond, on se fiche un peu que ce soit du harcèlement ou pas. Ce qui compte, c'est la souffrance que ressent l'enfant, c'est le critère. Ce qui se passe dans l'affaire Lucas, quand le procureur dit qu'en réalité ce n'était pas du harcèlement, c'est comme si on disait à ses parents : « Lucas ne souffrait pas tant que ça… » Les parents le prennent comme une gifle supplémentaire. Il y a pourtant un évident continuum. Je reçois des enfants en situation de harcèlement et parfois il y a des phrases, des sobriquets ou des moqueries qui nous paraissent anodins en tant qu'adultes mais qui font énormément souffrir les enfants.
L'adolescence a toujours été une phase au cours de laquelle les enfants d'hier et adultes de demain se construisent, et lors de laquelle ils peuvent se montrer durs les uns envers les autres… Sans entrer sur le terrain de la moralité, la justice est bien forcée de s'appuyer sur des faits tangibles et de se référer à la loi…
Évidemment qu'il faut définir les choses, le problème est qu'aujourd'hui 40 % des enfants que je reçois en consultation se disent exclus, par exemple, expliquent qu'ils font l'objet d'une indifférence glaciale de la part de leurs pairs. Pour autant, cela n'est pas considéré comme du harcèlement. Au fond, la question c'est : que peut-on faire pour que cela s'arrête ?
Avez-vous le sentiment que le phénomène s'est aggravé, qu'il y a plus d'enfants en souffrance qu'avant ?
Ce que je pense, c'est que la communauté adulte s'est emparée de ce thème du harcèlement, qu'elle en parle au sein des établissements, et ce qu'on constate, c'est que ça a créé des modalités encore plus sophistiquées pour échapper au regard des adultes et à la sanction. L'exclusion est en cela une nouvelle modalité : on ne peut pas la sanctionner. Cela devient plus subreptice et quelque part plus cruel aussi.
L'enfant se rend-il compte qu'il harcèle ? Vous dites qu'il cherche à éviter la sanction, donc il a forcément conscience de commettre quelque chose d'interdit... Qu'en retire-t-il ?
Plusieurs choses : la première, c'est une forme de sécurisation relationnelle. Ces enfants se disent « si je harcèle, je ne serai pas harcelé », ce qui est relativement juste, même si c'est cynique et immoral. Si on analyse les faits de harcèlement sans prendre cela en considération, on passe à côté du problème. Ensuite, il y a une évidente prise de plaisir. C'est un plaisir qui est décuplé par la souffrance infligée, sorte de carburant du harcèlement. Ce plaisir de voir et percevoir l'impact qu'on a sur le quotidien de quelqu'un est lié à la toute-puissance et à l'emprise. L'Éducation nationale passe son temps à demander d'arrêter à ces enfants de faire quelque chose qui leur procure plaisir et sécurisation, et on se demande pourquoi ça ne fonctionne pas ! C'est pourtant très logique d'un point de vue systémique.
Est-ce que le « harceleur » d'hier sera le « bourreau » de demain s'il n'est pas puni pour ses agissements pendant l'enfance ? Quels sont les risques à long terme ?
Bien sûr, puisqu'ils font l'apprentissage qu'en étant violents et cruels ils obtiennent un certain nombre de choses… Cela forge une personnalité. Par ailleurs, la sanction du harcèlement telle qu'elle existe aujourd'hui est totalement inopérante. La sanction ne fonctionne pas car elle ne représente rien par rapport à ce que harceler leur apporte.
Le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, vient de se prononcer pour l'exclusion des élèves harceleurs en primaire, « en dernier recours » (jusqu'à présent, c'était plutôt à l'enfant harcelé de changer d'établissement, ce qui représentait pour lui une double sanction...). Qu'en pensez-vous ?
C'est encore une méconnaissance absolue du terrain, à mon sens. Ce que l'on constate, dans les rares cas où ça arrive et que le harceleur change d'école, c'est qu'il se met en place une espèce de délégation du pouvoir de celui qui est renvoyé en prenant comme prétexte que c'est à cause de celui qui a été harcelé que ce dernier a été exclu. Comme si, en partant, il déléguait le harcèlement à d'autres. Tant qu'on n'aura pas outillé les enfants vulnérables pour qu'ils changent la donne au niveau relationnel, il n'y aura pas d'amélioration.
parlez d'outiller l'enfant, mais il ne faut pas tomber dans une surenchère de violences…
L'idée, c'est vraiment de la résistance, donner les clés pour que ces enfants puissent riposter au moment où l'attaque survient, avec un peu de dérision car généralement ça désarme le harceleur, être dans une posture qui le rend ridicule, pour le faire tomber de son piédestal.
approche ne relève-t-elle pas du constat d'échec ? Pourquoi serait-ce à l'enfant harcelé de se défendre plutôt qu'à celui qui harcèle d'arrêter ?
Le problème, c'est que, pour changer de comportement et une situation, il faut en souffrir, or le harceleur n'en souffre pas. C'est extrêmement logique d'une certaine façon : celui qui en souffre le plus, c'est celui qui est harcelé, donc il a tout intérêt à mettre des choses en place pour que la situation évolue. Je trouve que dispenser un apprentissage à un enfant pour qu'il sache comment défendre son intégrité menacée, c'est une vraie compétence, pas un échec. Ce qui est un échec, c'est ce que fait l'Éducation nationale aujourd'hui en disant à ces enfants : « Ne vous inquiétez pas, on va s'occuper de tout car vous êtes largement incompétents. » En filigrane, cela leur lance le message qu'ils le seront toute leur vie. Car des harceleurs, il y en a partout…
l'enfant harcelé a-t-il du mal à se confier ?
D'abord parce qu'il a honte, puis parce qu'il a peur. Ces enfants savent que, si les adultes commencent à moraliser les harceleurs, ça va être pire pour eux. On sait qu'on a environ 60 % des enfants harcelés qui n'en parlent pas, alors qu'on a une institution qui sans cesse les encourage à le faire. Beaucoup d'enfants pensent aussi que la situation ne s'améliore pas quand un adulte intervient. Il y a donc quelque chose qui ne fonctionne pas dans ce qui est fait aujourd'hui. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que les enfants harcelés ont des compétences et qu'en se mettant à côté d'eux, en les accompagnant, on peut apaiser la souffrance et faire de grandes choses. La parole est une arme pour faire changer l'inconfort de camp.
Source: LePoint.fr
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