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Dans la nuit du 29 juin, à Nanterre. - Credit:LP/Olivier Arandel / MAXPPP / PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP
Près de 6 000 voitures brûlées, 3 300 personnes interpellées, 11 000 incendies de poubelles, 1 000 bâtiments incendiés, 45 000 policiers mobilisés. Ces chiffres étourdissants après quatre jours d'émeutes illustrent l'ampleur des violences faisant suite à la mort du jeune Nahel lors d'un contrôle policier, le 27 juin, à Nanterre. Qu'en pensent les Français ?
Le dernier sondage de Cluster 17 pour Le Point au sujet des émeutes* fait apparaître une France fragmentée en plusieurs pôles, asymétriques dans leurs proportions. Concernant tout d'abord la justification des violences, un relatif consensus apparaît : 77 % des sondés considèrent que ces violences sont injustifiables et, parmi eux, la moitié les trouve tout à fait illégitimes. Reste un quart de Français qui les jugent justifiables, dont environ la moitié considère qu'elles le sont totalement. Quel est le profil des 23 % trouvant des raisons pour justifier ces violences ? Sont-ce des personnes socialement défavorisées ou proches du profil des émeutiers ?
Jeunes diplômés urbains Les résultats du sondage indiquent que ce n'est pas le cas. Parmi ceux qui justifient la violence, les jeunes de 18-34 ans sont surreprésentés (40 %). De même que les personnes très diplômées (bac +5), qui sont en moyenne deux fois plus nombreuses que les détenteurs du seul bac à justifier les émeutes. Il n'y a, en revanche, pas beaucoup d'écart suivant les tranches de revenus, signe que ces événements ne peuvent pas se résumer à une seule lecture sociale.
On observe également un écart important entre les habitants des grandes villes, qui sont plus nombreux à accepter le recours à ces moyens (30 %), et ceux de la ruralité (19 %). Ce qui distingue surtout ces individus considérant que la fin justifie les moyens, ce sont les valeurs politiques : le groupe identifié comme multiculturaliste (8 % de la population), au cœur de l'électorat de La France insoumise, justifie dans sa très grande majorité (80 %) les violences. Cette adhésion à la violence est d'autant plus grande au sein de la gauche radicale que le niveau de diplôme est important. Ainsi, à rebours des autres électorats, 59 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon estiment ces violences justifiables ( 26 % tout à fait justifiables, 33 % justifiables). Ce fait est assez intéressant, car cette frange de la population qui a une opinion très tranchée semble à la fois aussi socialement éloignée de ceux qui commettent les violences (des jeunes issus des banlieues) que de ceux qui les subissent de plein fouet (les commerçants de centre-ville). Il est ironique de noter que leur système de valeurs reposant en grande partie sur l'anticapitalisme semble également éloigné de celui des émeutiers, qui ont concentré leurs violences sur les grandes enseignes de vêtements non pour en faire un acte politique, mais pour se servir sans payer (piller).
Il est à noter que cette attitude n'est pas commune à toute la gauche. Les individus issus de la gauche modérée ont un avis qui diffère peu de celui du reste de la population et ils condamnent les violences (à 73 %). Il y a donc une fracture au sein de la gauche sur cet enjeu (qui se reflète au niveau des responsables politiques).
On peut donc distinguer deux blocs distincts et asymétriques en ce qui concerne la perception des violences. En revanche, sur le plan des solutions à apporter à cette crise, l'attitude des Français recouvre bien les lignes de la tripolarisation qui caractérise la vie politique française, notamment depuis 2017. Les électeurs du pôle conservateur identitaire soutiennent (avec une majorité des Français) que la plus grande priorité du gouvernement devrait être de renforcer la présence policière.
Les électeurs du pôle libéral mondialisateur (incarné par le président Macron) sont partagés entre la priorité sécuritaire et la nécessité de faciliter l'accès à l'emploi pour les habitants de banlieue, tandis que les électeurs de la gauche écosocialiste sont partagés entre la priorité à accorder à l'éducation publique et à la rénovation urbaine. « Outre le relatif consensus antiémeute, l'opinion adhère majoritairement à l'idée selon laquelle les habitants des banlieues sont défavorisés », relève Jean-Yves Dormagen, président fondateur de Cluster 17.
Par ailleurs, une majorité de Français (62 %) serait d'accord pour investir 3 milliards d'euros pour un plan banlieue. Là, l'opinion est également davantage divisée selon l'option idéologique des répondants leurs caractéristiques socio-économiques : les citoyens de gauche y sont favorables dans une écrasante majorité, les électeurs de droite et du centre étant divisés en deux portions égales sur cette question.
La gauche radicale isolée Ce sondage nous enseigne que tout se passe comme si une partie de la gauche était en train de divorcer du reste de l'opinion sur des éléments essentiels de la vie en société, notamment le recours à la violence. En la légitimant (par l'excuse, la relativisation ou la justification par des fins ultimes), elle favorise un processus de décivilisation délétère. Il y a une forme de sécession cognitive de la part de cette gauche du reste de la population : très concentrée géographiquement, homogène socialement, très portée sur l'abstraction et la déconnexion du réel, elle est d'autant plus prête à vouloir renverser la table qu'elle n'en paie pas le coût.
Si la force numérique de cette gauche radicale est faible, son influence médiatique et sa force d'attraction auprès des jeunes ont de quoi préoccuper, notamment quand on la suit jusqu'au bout de sa logique. En effet, si l'État n'est plus considéré comme le détenteur légitime du monopole de la violence (Max Weber), on s'interroge sur la manière dont celle-ci serait employée et régulée dans une société où « la fin justifie les moyens », pour reprendre les mots d'une députée de LFI. L'avant-goût que nous avons eu ces derniers jours sous le couvert d'une « violence excusable », marqué par des scènes de pillage et d'atteinte aux dépositaires de l'ordre public, apparaît terrifiant. Il risque d'apparaître ainsi aux yeux des électeurs, y compris de gauche, ce qui promet un funeste sort aux forces politiques qui justifient la violence par des motifs idéologiques et/ou électoralistes.
Source: LePoint.fr
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