Societe
0 Comment(s)
« On leur dit qu’on comprend leur colère mais que l’exprimer par la violence est inutile. Pire, qu’en le faisant, ils jouent contre eux-mêmes, se pénalisent », raconte Guillaumen Gomis, de ZEP Élite. - Credit:PAULINE TOURNIER / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Il y a six mois, Guillaume Gomis, 33 ans, fondait l'association ZEP Élite, dans le quartier prioritaire de Caucriauville, au Havre (Seine-Maritime) avec l'ambition d'aider à l'insertion de ses jeunes habitants. « Ils sont assez désœuvrés et en manque de perspective. » Le mardi 27 juin, dans les heures qui ont suivi la mort de Nahel, après le tir d'un policier pour refus d'obtempérer, la zone de grands ensembles créés dans les années 1960, devenait, comme d'autres villes du territoire, le théâtre d'émeutes. Guillaume Gomis, enfant de « Caucri », descendait alors dans la rue, pour « engager le dialogue ».
Complexes, colère, réseaux sociaux, rapports aux parents… Il raconte au Point son travail associatif et dessine le profil des jeunes habitants de ce quartier havrais. « On leur dit qu'exprimer leur colère par la violence est inutile, raconte-t-il. Pire, qu'en le faisant, ils jouent contre eux-mêmes, se pénalisent. Et les exemples ne manquent pas : le tramway a brûlé et certains de leurs parents ne peuvent plus le prendre pour aller au travail ; La Poste, vandalisée, a baissé le rideau ; et l'attaque du tabac, dont il ne reste quasi rien, les prive du seul lieu de rencontre que comptait Caucriauville… »
Guillaume Gomis : Le soir même du drame, à la tombée de la nuit, des jeunes (15-20 ans) étaient dans la rue. Ils étaient cagoulés. Et avec des membres de l'association, nous sommes partis à leur rencontre pour engager le dialogue. Ceux que l'on connaissait sont rentrés chez eux. Les autres – des jeunes venus d'autres quartiers, qui s'étaient greffés au groupe – sont restés casser, brûler, piller… On ne peut pas tout, et la délinquance relève du travail de la police.
Malgré tout, nous nous sommes concertés avec le club de foot et avons convenu d'organiser, chaque soir, des maraudes, pour que ça ne se reproduise pas. Deux magasins ont encore été dévalisés le surlendemain, par des jeunes extérieurs au quartier. Puis plus rien. Alors bien sûr, depuis, certains des jeunes de Caucriauville, que j'ai pris sur le fait, m'en veulent un peu et me regardent du coin de l'œil…
On leur dit qu'on comprend leur colère, mais que l'exprimer par la violence est inutile. Pire, qu'en le faisant, ils jouent contre eux-mêmes, se pénalisent. Et les exemples ne manquent pas : le tramway a brûlé et certains de leurs parents ne peuvent plus le prendre pour aller au travail ; La Poste, vandalisée, a baissé le rideau ; et l'attaque du tabac, dont il ne reste quasi rien, les prive du seul lieu de rencontre que comptait le quartier…
Êtes-vous entendus ? La plupart semblent avoir compris le message. Pour les autres, on leur rappelle que nous étions là pour Zyed et Bouna (dont la mort fut l'élément déclencheur des émeutes de 2005), qu'on a vu certains de nos frères, cousins et amis partir en prison. Et qu'on ne tire aucun bénéfice des émeutes, qu'on ne tend que le bâton pour se faire battre. Mais surtout, on évite de leur faire la morale. Le bien, le mal… Ils savent très bien ce que c'est. On préfère leur exposer les conséquences de leurs actes. Comme l'incendie d'une voiture à Caucriauville aurait pu s'étendre à un immeuble et aurait pu causer un drame, dont ils auraient, eux aussi, payé le prix. On voit bien qu'au fond d'eux, cela leur fait peur…
La présence de très jeunes gens dans les émeutes (30 % des présentés à la justice ont moins de 18 ans) peut aussi donner à penser qu'il y a un problème d'autorité parentale. Que pensez-vous des « deux claques et au lit ! » préconisées par le préfet de l'Hérault ?
Il y a un problème en la matière, on ne peut pas le nier. Et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai créé mon association il y a six mois. Caucriauville a été, dans le passé, un quartier que l'on pourrait qualifier de « difficile »… Il s'est un peu apaisé, mais ses jeunes restent, malheureusement, assez désœuvrés et en manque de perspectives. On y trouvait encore, quelques années en arrière, des assos qui les accompagnaient, les occupaient pendant leur temps libre, et donnaient à certains d'entre eux un cadre. Mais elles ont disparu, et celles qui restent sont confidentielles. Dans ce contexte, recréer une association ambitieuse s'est imposé.
Pour en revenir à votre question, on échange beaucoup avec les parents et je peux vous dire que la solution est malheureusement plus compliquée que « deux claques et au lit ! » Bien sûr, les parents disent à leurs enfants de rester à la maison. Mais si ces derniers sont décidés, ils n'auront aucun scrupule à sauter par la fenêtre puis à tricoter une histoire pour le justifier. Que s'est-il passé pour que les ados n'obéissent plus à leurs parents ? Je cherche moi-même la réponse. Même si j'ai un début d'explication…
Quel est-il ? Je les crois, déjà, trop gâtés. Beaucoup ont déjà un iPhone, à 12-13 ans. Cela les éloigne forcément un peu du principe de réalité – mais aussi de leurs parents – puisqu'ils pensent que les choses tombent du ciel et que rien ne se mérite. Leurs références, aussi, ont changé. Les jeunes d'aujourd'hui n'ont plus pour modèles leur père ou leur mère, et encore moins celui ou celle qui travaille pour 1 700 euros par mois, qu'ils méprisent. Leurs références désormais ce sont des youtubeurs, des rappeurs, des influenceurs et des stars de la télé-réalité. Les yeux rivés sur leur écran, ils vivent à travers les réseaux sociaux…
Les réseaux sociaux font justement l'objet de critiques depuis le début des émeutes. Emmanuel Macron déclarait même ne pas exclure de les « couper » quand « les choses s'emballent »…
Il a raison. Ils jouent incontestablement un rôle. Je crois que les réseaux sociaux, outre qu'ils y organisent des actions, font perdre aux jeunes la conscience de ce qu'ils font. Prenez les vidéos de pillage diffusées sur TikTok. Si filmer et partager les images de ses propres délits n'est pas le signe d'une déconnexion d'avec la réalité, je ne sais pas ce que c'est ! J'ai moi-même intégré un groupe de messagerie dans lequel des jeunes s'échangeaient ce type de vidéos. Ils semblent prendre tout cela pour du jeu, mais la vie, ce n'est pas le virtuel. Et quand la police viendra frapper à leur porte, ce sera bien réel.
Que pensez-vous de l'idée de sanctionner les parents des émeutiers mineurs, à laquelle se montre plutôt favorable le gouvernement ?
Sur cette idée, j'ai beaucoup plus de réserves. Si je me mets dans l'esprit de l'un de ces jeunes, je crains qu'il ait le sentiment que l'on soigne le mal par le mal. Ou pour être plus précis, que l'on combatte ce qu'il ressent déjà comme une injustice par une autre injustice. Si, comme je l'expliquais, les parents ont perdu en autorité, il n'en demeure pas moins que leurs progénitures ont horreur qu'on y touche. Je peux me tromper, mais je vois plutôt cette initiative comme susceptible de générer chez les jeunes une défiance accrue vis-à-vis de l'État.
Dès lors, que peuvent les politiques ?
Je n'ai, malheureusement, pas la solution. Je n'agis qu'à petite échelle et c'est à eux qu'il revient d'agir sur le fond de choses. Mais je ne vais pas vous mentir, si elles restent en l'état, j'ai bien peur qu'on assiste à un éternel recommencement…
Et de votre côté, que pouvez-vous imaginer avec votre association ?
Ces jeunes sont pétris de complexes et pensent que beaucoup de choses sont réservées aux autres. Lutter contre ce préjugé passe par des initiatives très concrètes, que ce soit pour leur scolarité, leur insertion, comme pour leurs loisirs, dont on parle trop peu. Prenez le foot, il y a bien un club dans le quartier (six cents licenciés), mais tout ne tourne plus qu'autour de ce sport… Avec l'association, nous les encourageons à s'inscrire dans des clubs de tennis, de rugby, d'équitation et même des écoles de musique.
Après six mois, nous comptons déjà une soixantaine de membres, force est de constater qu'ils adhèrent au programme… Et cela fonctionne d'autant mieux qu'ils savent notre démarche sincère, car ils nous connaissent. Cela ne les empêche pas de nous interroger sur nos parcours. On donne l'exemple et le contre-exemple (il rit). Moi, qui ai fait des conneries et suis passé par la prison, je n'hésite pas à le leur rappeler et à évoquer mes regrets.
Nous sommes encore en structuration, mais nous comptons leur proposer, dès septembre, de l'aide aux devoirs, les mettre en relation avec des agences d'intérim, créer des partenariats avec des entreprises afin de les aider à trouver des stages… Notre ambition tient en quelques mots : qu'ils sortent de l'univers auquel ils se croient assignés.
Source: LePoint.fr
(Ovichnews France) - Albert Ardisson, le chauffeur du camion dont l'accident de la route a causé...
l'ancien maire de Toulon, qui a été condamné à cinq ans d'inéligibilité en appel. Cela...
Au total, la police et la gendarmerie ont enregistré 8 500 crimes ou délits commis "en raison de l'ethnie, de la nation, d'une prétendue race ou de la religion".
Read MoreLa drogue était transportée par un bateau de pêche en provenance du Brésil.
Read MoreLe Premier ministre a annoncé avoir saisi la justice après que l'accès à un amphithéâtre a été interdit à une étudiante de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), lors d'une mobilisation propalestinienne.
Read MoreCet outil, qui passe du vert au rouge en fonction des comportements, a été adapté au monde de la recherche scientifique sous l'impulsion de la Fondation l'Oréal. Il a été distribué jeudi sur le campus de l'université Paris-Saclay.
Read MoreBenoît Teste, secrétaire général du syndicat, soutient que "l'école manque de tout, à commencer par des salaires corrects et dignes".
Read MoreUne théorie nauséabonde a été déterrée par la complosphère : Brigitte Macron serait une femme transgenre. Cette théorie complotiste pourrait n’avoir aucun écho si l’extrême droite américaine ne s’en était pas emparée à la mi-mars. Mais l'épouse du chef de l'État n'est pas la première femme célèbre visée par la complosphère.
Read MoreLaurence Bertand Dorléac réagit sur France Inter, lundi, au sujet de la polémique autour d'une mobilisation pro-palestinienne organisée la semaine dernière à Sciences Po Paris.
Read MoreEmmanuel Macron accueille lundi soir les membres du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) pour marquer le 80e anniversaire de l'organisation, dans un contexte de hausse des actes antisémites.
Read MoreLa principale du collège Edouard-Herriot a été menacée avec un couteau par un élève vendredi. Ce mineur de 15 ans a été mis en examen et placé en détention provisoire.
Read MoreAlors que les candidats ont jusqu’à jeudi soir pour formuler leurs vœux de formation dans l’enseignement supérieur, le numéro vert d'aide aux parents et aux élèves reçoit des milliers d'appels. L'an dernier, un jeune sur huit avait sollicité cette ligne.
Read MoreUne étudiante de l'UEJF a été "empêchée d'accéder à l'amphithéâtre" où se tenait l'action. La direction "saisira la section disciplinaire en vue de sanctionner ces agissements intolérables".
Read MoreInvitée, mercredi, sur franceinfo, la directrice de la communication et du plaidoyer d'Unicef France se félicite du recul de la mortalité infantile.
Read More
Create an account or log into your account to leave a comment
Comments