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Des enseignants manifestent à Paris, le 1er février 2024. (VALERIE DUBOIS / HANS LUCAS / AFP)
Plusieurs syndicats enseignants appellent à la grève mardi avec, en ligne de mire, le "choc des savoirs", enclenché par Gabriel Attal lorsqu'il était encore ministre de l'Education.
Deuxième grève en moins d'une semaine : les profs ne décolèrent pas. Une nouvelle journée de mobilisation est prévue, mardi 6 février, encouragée par cinq syndicats (Snes-FSU, CGT Educ'action, SUD-Education, Sgen-CFDT et Unsa Education) qui espèrent surfer sur le succès de la grève de jeudi. Selon le Snes-FSU, 47% des personnels des collèges et des lycées étaient en grève, soit la plus forte mobilisation depuis 2022, tandis que le ministère a annoncé un taux de 20% de grévistes dans le premier comme le second degré. En cinq jours, les revendications des enseignants n'ont pas bougé d'un iota : augmentation des salaires, défense de l'école publique, rejet de la réforme des lycées professionnels, ou encore refus du "choc des savoirs".
Derrière cette allergie au "choc des savoirs", plan brandi par Gabriel Attal lorsqu'il était ministre de l'Education et dont le but est d'élever le niveau des élèves, une mesure est principalement décriée. Les groupes de niveau, qui seront mis en place dès la rentrée prochaine en sixième et cinquième, inquiètent la profession autant sur les moyens nécessaires que sur leur réelle efficacité.
Trois groupes, du plus faible au plus fort
Concrètement, le dispositif prévoit de répartir tous les élèves de sixième ou de cinquième du collège dans trois groupes distincts, en fonction de leur niveau, uniquement en français et en mathématiques. Le groupe fort et le groupe moyen feront chacun l'équivalent d'une classe entière. Un dernier groupe, pour les élèves les plus en difficulté, sera d'une taille plus réduite. Les élèves "pourront changer de groupe s'ils progressent", avait également promis en décembre Gabriel Attal. A l'appréciation des chefs d'établissement, il pourra y avoir trois comme cinq groupes au total, en fonction des besoins. Le ministère insiste sur cette notion de cas par cas.
Pour les autres matières, "le groupe classe demeurera, permettant de combiner les apports de la mixité scolaire et des pédagogies différenciées pour les élèves", est-il rappelé sur le site du ministère. En clair, les classes seront brassées pour environ un tiers des heures de cours des élèves, en français et mathématiques, mais ne le seront pas pour les deux tiers restants. Ce dispositif doit s'étendre aux classes de quatrième et troisième à la rentrée 2025. Aucun texte réglementaire n'a encore été publié, mais les syndicats de l'Education nationale, des profs aux chefs d'établissement, dénoncent d'ores et déjà une mise en œuvre bancale, qui se fera au détriment d'autres disciplines.
Une réforme au détriment d'autres enseignements
L'organisation de la rentrée 2024, et donc des groupes de niveau, est plus qu'actuelle. A cette période, les collèges reçoivent en effet leur dotation horaire globale (DHG), soit l'enveloppe d'heures attribuée à l'établissement par le rectorat, destinée à assurer l’ensemble des enseignements obligatoires par semaine et par division l'année suivante. A cela s'ajoute une dotation supplémentaire de trois heures, permettant de mettre en place "le travail en groupes à effectifs réduits" et des "enseignements facultatifs", explique un arrêté du 19 mai 2015. Problème, selon les syndicats : aucune de ces deux enveloppes n'a été augmentée, et la DHG a même été réduite d'une heure.
"Dans plus de 50% des collèges qui nous ont répondu, les groupes à effectifs réduits en sciences vont être supprimés afin d'intégrer [à l'emploi du temps] ces groupes de niveau" en français et en mathématiques, déplore David Boudeau, président de l'Association des professeurs de biologie et géologie (APBG). En plus de vingt ans, la physique-chimie, les SVT et la technologie "ont déjà perdu un grand nombre d’heures d’enseignements, les groupes à effectifs réduits indispensables aux expérimentations, en personnels de préparation, en heures de laboratoire, en moyens matériels", rappellent cinq associations, dont l'APBG, dans un communiqué (lien PDF).
"Cette année, il y a déjà eu la suppression de l’heure de technologie en sixième." David Boudeau, président de l'APBG à franceinfo
En outre, plusieurs syndicats craignent que cette réforme ne s'impose au détriment d'autres dispositifs. "Certains chefs d’établissement vont jusqu’à remettre en cause les groupes de LCA [langues et cultures de l'Antiquité] en tout ou partie (surtout le grec), les chorales disparaissent… Aucun dispositif ou enseignement n’est à l’abri : certaines directions prévoient de sacrifier des classes bilangues, des enseignements de LV2 allemand pour récupérer des moyens finançant les groupes de niveau", dénonce, dans un communiqué, le Snes-FSU.
Dans un "courrier d'alerte", remis il y a deux semaines à la nouvelle ministre Amélie Oudéa-Castéra, le SNPDEN-Unsa, premier syndicat des chefs d'établissement, insiste sur "la nécessité de garantir" le financement des "enseignements optionnels". "Ils sont, pour l’École Publique, dont vous êtes la première représentante, une garantie de pouvoir maintenir une offre de formation suffisante face à certains établissements privés", écrit le SNPDEN-Unsa.
"Les alignements ne seront pas possibles"
Pour permettre, comme promis par le gouvernement, des changements durant l'année, les groupes de niveau doivent impérativement être organisés sur les mêmes créneaux horaires, selon les syndicats. Une organisation qui "occasionnerait en outre des difficultés insurmontables pour construire des emplois du temps corrects pour les élèves", s'inquiète le Snes-FSU. "Les alignements ne seront pas possibles dans les plus petits établissements, faute d’un nombre de professeurs suffisant pour les mettre en place", affirme de son côté le SNPDEN-Unsa.
Une pénurie d'enseignants également soulignée par David Boudeau. "Il y a un réel problème de ressources humaines. Si on a quatre groupes, mais seulement trois profs, comment on fait ? On n'a pas le don d'ubiquité", ironise le président de l'APBG. Selon les calculs du ministère, la création de groupes de niveau va nécessiter 1 150 professeurs de français supplémentaires et autant de mathématiques. Mais ces 2 300 postes dédiés ne suffiront pas, estiment plusieurs syndicats. "Il y aura des groupes sans professeurs à la rentrée", anticipe le Snes-FSU. D'autant que la profession subit une intense crise de recrutement, y compris en français et en mathématiques. Pour cette dernière matière par exemple, 28% des postes n'ont pas été pourvus aux concours du second degré en 2023.
Sur le fond, les personnels refusent également de trier les élèves en fonction de leur niveau. Ils craignent une stigmatisation des collégiens les plus en difficulté et soulignent que cette mesure n'est pas efficace pour élever le niveau. Un constat appuyé par les chercheurs en éducation. Certaines études s'accordent à dire que de tels groupes aident surtout les élèves les plus débrouillards à s'améliorer, ce qui accentue les inégalités préexistantes. D'autres sont plus élogieuses, mais sous des conditions très précises, comme les "groupes de besoin". Par exemple, pour les mathématiques, une partie de la classe travaillerait la géométrie, pendant qu'une autre ferait du calcul. Une forme de groupement que ne propose pas le fameux "choc des savoirs".
Source: Franceinfo
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