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Brigitte Macron, Le Roi Charles III, Emmanuel Macron et la Reine Camilla, lors du toast, dans la galerie des Glaces du château de Versailles. — Eric TSCHAEN-POOL/SIPA
Le dîner au château de Versailles peut être jugé en décalage avec le quotidien des Français marqué par l’inflation et une hausse de la pauvreté
Le Roi danse ou Le Discours d’un roi ? Invité au dîner au château de Versailles, Yann Arthus-Bertrand a eu « l’impression d’être dans un film », confie-t-il au Parisien. Pour recevoir le roi d’Angleterre, Charles III, Emmanuel Macron n’a pas fait les choses à moitié, s’entourant de tout le gratin des célébrités culturelles françaises et britanniques, politiques, économiques ou sportives.
De Mick Jagger à Hugh Grant en passant par Patrick Vieira ou Bernard Arnault, quelque 150 invités ont pu goûter au menu… de roi : Mouton Rothschild dans les verres, homard bleu, tourteau, volaille de Bresse et dessert signé Pierre Hermé dans les assiettes. Un fastueux dîner dans la symbolique galerie des Glaces qui tranche avec le quotidien des Français, de plus en plus nombreux à faire la queue devant les portes des associations d’aide alimentaire. Un fastueux dîner en forme de pari risqué pour le chef de l’Etat, alors que l’opération de com' pourrait redorer son blason tout comme empirer son image. « C’est un peu tôt pour le dire », analyse Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences Po.
Une « compétition loin des codes de la République »
Comme « un jeu d’homologation, Versailles est devenu l’équivalent de Buckingham palace », observe Elodie Laye Mielczareck, sémiolinguiste spécialisée dans le langage verbal et non verbal. Le choix du lieu pour organiser ce dîner officiel n’était en effet pas anodin. Emmanuel Macron aurait pu recevoir Charles III au palais de l’Elysée, l’antre de la République, mais il a préféré un lieu chargé de symboles, « le temple même de la monarchie absolue », souligne Philippe Moreau-Chevrolet.
Le spécialiste de communication politique y voit l’image d’une « compétition entre deux monarchies, loin des codes de la République » avec « un président au style et à la pratique monarchiques ». C’est également l’analyse d’Elodie Laye Mielczareck qui rappelle la « figure du roi », le président « Jupitérien » de 2017, la marche devant la Pyramide du Louvre. Autant de postures d’Emmanuel Macron qui ont fait rayonner l’idée du monarque républicain. « Finalement Emmanuel Macron est le double français de Charles III », tranche-t-elle, insistant sur le caractère symbolique de son analyse car « la présidence de la République n’est pas une monarchie ».
Des paillettes dans les yeux
Il n’empêche que ce véritable spectacle a rassemblé « beaucoup d’histoire avec beaucoup de glamour, une formule qui peut susciter de la sympathie » à l’égard d’Emmanuel Macron, suggère Philippe Moreau-Chevrolet. Sa popularité, freinée ces derniers temps par l’actualité (de la réforme des retraites aux émeutes) pourrait même profiter de ce moment phare de communication. « Il pourrait s’appuyer sur la popularité de Charles III comme marche pied pour retrouver un lien avec l’opinion publique et se relégitimer », développe encore le spécialiste en sciences politiques.
Un élan qu’il pourra d’ailleurs poursuivre en s’invitant à la messe du pape au Vélodrome de Marseille et ainsi parler « à la fois aux téléspectateurs de The Crown, aux fans de Maradona et à l’électoral catholique », prévoit encore Philippe Moreau-Chevrolet. C’est un peu « le paradoxe entre cette monarchie britannique qu’on aime bien en France, qui fait de l’audience, qui est populaire, en total décalage avec la réalité, loin de l’empathie à l’égard du quotidien », poursuit-il.
Mais pas de beurre dans les épinards
En même temps (comme dirait Emmanuel Macron), c’est un message envoyé par la présidence « qui peut être problématique tant il renvoie une image décalée par rapport à la réalité quotidienne des Français, prévient Philippe Moreau-Chevrolet. Ce dîner peut avoir un aspect outrageant. Tout dépend de la vague médiatique critique qui va suivre. » Certaines voix dissonantes ont d’ailleurs commencé à se faire entendre. « Il manquait des vrais Français comme un boulanger, un postier, un conducteur de train qui relie la France à l’Angleterre, a lancé Yann Arthus-Bertrand au Parisien. C’est un peu dommage (…) que les Français n’en profitent pas alors que ça leur appartient aussi. »
A l’heure où l’inflation atteint des sommets, où le pouvoir d’achat souffre, où les étudiants n’ont jamais été aussi nombreux devant les banques alimentaires, le luxe offert au roi d’Angleterre et ses 150 convives peut « se heurter à la réalité ». « On n’a pas les moyens d’un tel faste », souligne encore Philippe Moreau-Chevrolet.
Ce dîner royal a pu également rappeler aux Français cette idée « que sur certains paradigmes, cette Révolution française, dont ils sont si fiers, n’a pas eu lieu, ou du moins que la fantasmagorie de l’égalité associée à cet événement historique s’efface », tranche enfin Elodie Laye Mielczareck. Autrement dit, le roi est mort, vive le roi et la République.
Source: 20 minutes
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