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Une coulée de lave freinée par une barrière de protection, le 14 janvier 2024 à Grindavik (Islande). (HALLDOR KOLBEINS / AFP)
Des ouvriers se sont relayés depuis le 2 janvier pour ériger une protection de plusieurs mètres de haut au nord de la ville portuaire de Grindavik. Cette ligne a sans doute empêché des dégâts bien plus importants.
Des bulldozers pour contrer les coulées de lave. Alors qu'une éruption volcanique menace toujours le petit port de Grindavik, dans le sud-ouest de l'Islande, lundi 15 janvier, l'avenir de la petite ville côtière repose en partie sur un barrage haut de plusieurs mètres et long de deux kilomètres, érigé en urgence dans les jours précédents. "Nous avons travaillé jour et nuit pour installer ces digues avant" un écoulement de lave, explique à franceinfo Ari Gudmundsson, ingénieur pour l'entreprise Verkis, en charge de ces travaux express. Dans cette région de l'Islande, aucune activité volcanique n'était observée depuis huit siècles, mais le sol s'est brusquement remis à travailler. "C'est déjà la cinquième éruption dans le secteur en trois ans", observe Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue à l'université Paris-Saclay et auteur de Volcanologue (éd. L'Harmattan). Fort heureusement, les spécialistes islandais anticipaient le scénario du pire depuis plusieurs semaines, avant même une première éruption survenue le 18 décembre. Le chantier a été lancé au début de l'année. La construction de ces barrières peut être décisive "aux abords d'un village, où chaque mètre gagné peut compter pour sauver des habitations", rappelle l'expert français. D'autant que la menace est considérable : "La température peut atteindre 1 000 ou 1 100 degrés et pas grand-chose ne résiste." Pour ériger ces digues, deux méthodes sont envisageables. "La première option est de détourner les coulées de lave, par exemple en détruisant les bords et les flancs des coulées naturelles, afin de les dévier", explique Patrick Allard, volcanologue à l'Institut de physique du globe de Paris, citant une première expérimentation à Hawaï puis en Italie, autour de l'Etna, au début des années 1980 et 1990. "Mais les barrages conçus pour contenir la lave, ou du moins l'empêcher d'avancer", la deuxième option, "sont une spécialité de l'Islande, qui a la meilleure expérience en la matière, poursuit le volcanologue. Dimanche, ils ont réussi à préserver une bonne partie du nord-ouest de Grindavik." <strong>Des expériences à Hawaï et sur l'Etna</strong> Les expériences étrangères ont inspiré les ingénieurs de l'île, reconnaît l'ingénieur Ari Gudmundsson. "Nous avions vu des photographies et lu des articles à ce sujet", explique-t-il, ce qui a déclenché un premier test grandeur nature en 2021, dans la vallée de Geldingadalir, à l'est de Grindavik. "Ils avaient déjà fait des barrières, à la hâte, pour essayer de contenir les coulées de lave, afin qu'elles s'accumulent dans des creux inhabités, abonde Patrick Allard. Avec un certain succès, déjà." En novembre dernier, les sismographes ont détecté des milliers de tremblements de terre, puis des fissures ont commencé à traverser les rues de Grindavik. En urgence, le Parlement islandais a adopté un projet de loi visant à mettre en place une nouvelle taxe foncière temporaire – 0,0008% sur les logements pendant trois ans – pour financer la construction de ces barrières. L'entreprise Verkis a immédiatement commencé à bâtir un premier ouvrage, long de cinq kilomètres, afin de sécuriser la centrale géothermique de Svartsengi, une infrastructure essentielle pour la péninsule. Puis à partir du 2 janvier, après avoir pris connaissance des dernières modélisations des risques, avec notamment des données topographiques, les équipes se sont concentrées sur une autre ligne, au-dessus de la ville de Grindavik. Avant de conduire un chantier, les équipes d'Ari Gudmundsson utilisent des modèles informatiques pour anticiper et localiser d'éventuelles coulées de lave. "Nous avions fait quelques calculs et l'une de ces fissures était très proche de la ville, se souvient Ari Gudmundsson. C'était le pire scénario, et il est arrivé." Au début de l'éruption, par chance, deux kilomètres avaient déjà été construits, sur les sept prévus au total. "Nous terminions à peine la première phase, explique l'ingénieur, et nous n'avions pas encore décidé de la suite avec le gouvernement et la Protection civile", même si l'objectif final est d'entourer la ville. A quelques jours près, les conséquences auraient donc pu être bien plus importantes. <strong>Un trou comblé en urgence dimanche</strong> Aux abords de Grindavik, deux fissures crachent de la lave, selon l'Office météorologique islandais. La première, la plus importante, est située 400 mètres seulement au nord de la ville. La seconde, plus courte, est apparue en lisière des premières habitations. Le 10 janvier, un homme est tombé dans une autre fissure, plus ancienne, qui traverse la ville. Son corps n'a toujours pas été retrouvé. Les travaux de construction ont avancé rapidement. Verkis a pu utiliser des matériaux déjà présents sur place. La moitié des gravats proviennent du site, et l'autre moitié a été transportée par des poids lourds depuis la mine voisine, avant d'être déposée à l'aide de tractopelles. Lors de l'éruption, il restait encore une ouverture dans la barrière, là où passe la route principale. Dimanche matin, "des bulldozers et des excavatrices sont partis combler ce trou. Nous y sommes parvenus, non sans mal, explique Ari Gudmundsson. Il y a eu un peu de déversement de lave, mais la barrière a quand même tenu." <strong>"Certaines conduites d'eau chaude et certains câbles électriques ont été endommagés, mais l'essentiel a été sauvé. Ces barrières, sans nul doute, ont permis de protéger de nombreuses maisons."</strong> Ari Gudmundsson, ingénieur au sein de l'entreprise Verkis à franceinfo Trois maisons ont tout de même été avalées par les flammes, dimanche – les images ont d'ailleurs fait le tour du monde. "Mais ils n'auraient rien pu faire", commente Patrick Allard, car la fissure concernée, plus modeste que la précédente, s'est creusée au sud des digues. Le porte-parole de la Protection civile islandaise, Hjördis Gudmunsdóttir, a également donné des informations plutôt rassurantes, jugeant que le flot de lave était moins important dans cette nouvelle fissure. La ville comptait encore 4 000 habitants lors de l'évacuation de précaution, ordonnée en novembre. Mais seules quelques dizaines d'entre eux ont choisi de rentrer chez eux, après le feu vert accordé le 23 décembre. La population observe désormais l'évolution de la situation, car l'éruption est toujours en cours. La lave ne passe pas la barrière et se refroidit, assure Ari Gudmundsson. Mais nous allons observer de près l'évolution dans les prochaines heures." Patrick Allard, pour sa part, est impressionné par l'efficacité de ses confrères islandais et par les ingénieurs locaux. "Les tractopelles continuaient à monter des barrières de nuit, plus près de Grindavik, alors que les coulées étaient toutes proches, fait remarquer le volcanologue. Ils sont pragmatiques et travaillent vraiment bien." Source: Franceinfo
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