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Le joueur de tennis fauteuil français Stéphane Houdet, aux Jeux paralympiques de Tokyo (Japon), le 3 septembre 2021.
Ventes de billets inquiétantes, moyens débloqués tardivement... Les sportifs paralympiques tricolores ne sentent pas vraiment "l'effet Jeux" pendant les derniers mois de leur préparation.
"On voit bien qu'il y a encore du travail pour réussir à embarquer davantage les Français." En évoquant les prochains Jeux paralympiques (du 28 août au 8 septembre) face aux députés membres de la commission de suivi de Paris 2024, mercredi 27 mars, Tony Estanguet pèse ses mots. En décembre, le patron du comité d'organisation de l'événement (Cojop) annonçait dans Ouest-France que 830 000 billets avaient été vendus sur les 2,8 millions proposés. Trois mois plus tard, devant les parlementaires, le bilan d'étape s'élève à 900 000.
Ce rythme d'escargot n'inquiète pas, ou du moins pas encore le Cojop, alors que se tient depuis mardi la semaine olympique et paralympique, à un peu moins de cinq mois de l'échéance. "On travaille à une stratégie de communication dans la dernière ligne droite, avance le triple champion olympique de canoë, qui s'y connaît en matière de sprint final. Ça s'est vu dans les dernières éditions des Jeux [paralympiques] : 50% des billets se vendent pendant et après les JO." Pour certains, cependant, le spectre de voir des tribunes clairsemées, comme l'an dernier lors des Mondiaux de para-athlétisme de Paris, au stade Charléty, n'est pas encore écarté. "On avait réuni tous les gens dans une tribune, face aux caméras, pour cacher la misère. J'espère que ça ne va pas finir comme ça", craint Frédéric Pasquier, pilier de l'équipe de France de parahandball. Fin décembre, la direction des sports de Radio France dévoilait que 80% des 830 000 billets déjà achetés étaient des places subventionnées par des collectivités territoriales ou par les entreprises partenaires du comité d’organisation. Une partie est destinée aux écoles pour garnir les tribunes, d'autant que la deuxième semaine de l'événement coïncide avec la rentrée des classes. Encore faut-il que les intéressés soient dans les meilleures conditions pour participer à la fête. L'ancienne nageuse Béatrice Hess, détentrice du plus beau palmarès paralympique français, est revenue dubitative d'une journée de sensibilisation bénévole dans une école près de Colmar (Haut-Rhin), qui a reçu des billets pour les Paralympiques. "J'ai tenté d'intéresser les élèves à la boccia [une sorte de pétanque handisport], un sport passionnant, mais qui peut rebuter le non-initié. C'est sûr qu'ils comprendraient mieux ce sport en le regardant à la télé avec les commentaires." Une ambition ultime Le grand public français et international, lui, n'avait donc pour sa part acheté qu'environ 166 000 sésames fin décembre. Certains tarifs proposés se veulent pourtant attractifs, avec 500 000 billets vendus 15 euros et des "pass découverte" à 24 euros qui permettent d'accéder à plusieurs sites sur une journée. Mais sur les épreuves de prestige, la facture grimpe vite. "On a voulu acheter une quinzaine de tickets pour la cérémonie d'ouverture, ça nous est quand même revenu à 6 000 euros, souligne Claude Raffin, responsable du comité paralympique de la Savoie, désireux d'offrir cette chance à quelques jeunes de son département. C'est le prix à payer pour espérer voir des para-athlètes français se couvrir d'or. Afin que la réussite soit totale, "la France devra figurer de façon marquante dans le haut du classement", claironnait la Fédération française handisport au moment de l'attribution des Jeux à Paris, en 2017. Objectif fixé à l'époque : 15 médailles d'or, soit six de plus qu'à Rio (12e au tableau des médailles) et quatre de plus qu'à Tokyo (14e rang mondial). Fin 2023, la présidente du Comité paralympique français, Marie-Amélie Le Fur, ambitionnait carrément de "dépasser le cap des 20 médailles d'or", lors d'une interview sur France Bleu.
Sur son site, le gouvernement évoque pour sa part l'objectif de faire partie du "top 8 des nations paralympiques dès 2024", tandis que le chef de l'Etat a, en 2021, assuré que "la France peut très clairement un jour intégrer durablement le top 5 olympique et paralympique". Un vœu pieux ? "Je me revois lors de la réception à l'Elysée au retour des Jeux de Tokyo, décrit Fabien Lamirault, quadruple champion olympique de tennis de table en fauteuil. Quand Emmanuel Macron a fixé les objectifs et assuré qu'il avait mis les moyens, on s'est tous regardés, on pouvait lire dans nos yeux : 'Ce n'est pas possible !'". "La relève des grands champions n'a pas été préparée, soupire Claude Raffin, qui a peiné à envoyer des jeunes aux championnats nationaux. Le robinet à crédits s'est brusquement ouvert deux ans avant les Jeux, mais c'est bien tard." Les Jeux de Londres, un exemple... et une exception Reste en outre le problème de notoriété, avec des têtes d'affiche... qui ne le sont pas tant que ça pour le public, de l'aveu même de Tony Estanguet devant les députés. "Peu de Français peuvent citer le nom d'un athlète paralympique, alors que nous avons, au sein de l'équipe de France, parmi les plus beaux palmarès internationaux", déplore-t-il. "On veut que, dans quelques mois, Alexis Hanquinquant, Sandrine Martinet ou Lucas Mazur soient reconnus dans la rue", assurait à 20 Minutes.fr Michaël Aloïsio, directeur général délégué du Cojop, en octobre 2023. Pour l'heure, on n'y est pas. "En Italie [où il a joué durant de nombreuses saisons], je me faisais arrêter dans la rue, les gens me disaient : 'On a vu votre match sur RAI Sport'. En France, jamais", grince le parabasketteur Sofyane Mehiaoui. "Dans mon sport, il n'y a qu'au Japon où les joueurs de tennis fauteuil sont de vraies stars", appuie Stéphane Houdet. C'est là qu'arrive le point "Londres 2012", devenu un miroir déformant de la réalité de l'engouement pour les Jeux paralympiques. Au total, "2,7 millions de billets avaient été vendus et non pas donnés", insiste dans Le Monde Tanni Grey-Thompson, ancienne championne paralympique devenue membre de la Chambre des lords. "Là-bas, j'ai joué tous mes matchs devant 5 000 personnes. Ça ne m'était jamais arrivé. Et ça ne m'est plus arrivé depuis", raconte Fabien Lamirault. A l'époque, les campagnes médiatiques vendaient les exploits des "Avengers" paralympiques. Une formule a priori gagnante. "Ils parlaient vraiment de sport, assène Frédéric Pasquier. "Ils mettaient en avant des amputés, des handicaps qu'on ne voit pas à la télévision, confirme un para-athlète français. Ils jouaient sur le côté 'super-héros du quotidien', on les voyait conduire, travailler, s'occuper de leur famille, et réaliser des exploits sportifs." Un investissement jugé insuffisant Les moyens déployés pour promouvoir le parasport sont aussi dénoncés. Pour de nombreux athlètes, le quotidien rime avec galère, déplore le basketteur Sofyane Mehiaoui : "On ne touche pas un euro pour jouer en équipe de France, alors qu'on affronte des professionnels, comme l'équipe d'Espagne, ou a minima, des joueurs qu'on défraie en sélection. Je suis le seul joueur à avoir un sponsor au sein des Bleus. Les autres doivent poser des jours de congé pour jouer." Il faut dire que la Fédération française handisport n'est pas au mieux de sa forme. La Cour des comptes a mis en garde quant à une possible faillite, il y a deux ans. Cette grande structure qui chapeaute tous les sports est-elle encore adaptée ? D'autres pays, comme l'Italie ou le Royaume-Uni, ont fait le choix de créer une structure par discipline. "Ce serait plus efficace pour attirer les sponsors et exposer son sport", glisse un para-athlète qui rêve d'une refonte du système avant Paris 2024. Même un sport plutôt bien doté comme le tennis fauteuil fait la grimace avant ces Jeux paralympiques. "Le tournoi est programmé lors de la deuxième semaine, en même temps que devait avoir lieu l'US Open, regrette Stéphane Houdet. Outre-Manche, ça a fait un scandale. Le meilleur Britannique, Andy Lapthorne, a fait les gros titres de la presse, surtout quand les organisateurs américains ont décidé d'annuler le tournoi de tennis fauteuil [comme ils l'avaient déjà fait en 2008, 2012 et 2016]". Un manque à gagner important pour les sportifs, dont une bonne partie des revenus dépend des tournois du Grand Chelem. Les organisateurs américains ont bien proposé un (petit) chèque pour étouffer la grogne. "En France, pas un article, ou presque. On est toujours la cinquième roue du carrosse", déplore Stéphane Houdet.
source: FRANCE INFO
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