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Le jeune Lenny Martinez au côté de Thibaut Pinot lors de sa dernière course, au Tour de Lombardie, le 7 octobre 2023. (MARCO BERTORELLO / AFP)
La formation française, qui a vu son leader historique partir à la retraite en fin d'année, lance sa première saison sans lui depuis 2009.
Quatorze ans. Depuis la saison 2010, date de son passage en pro, les exploits majuscules comme les défaites crève-cœur de Thibaut Pinot parsemaient la vie de l'équipe Groupama-FDJ. Jusqu'à son départ, aussi émouvant que remarqué, le 7 octobre à Bergame.
Retourné s'adonner à la vie de ferme à Mélisey (Haute-Saône), il laisse sa formation orpheline de ses résultats - champion de France du c.l.m en 2016, vainqueur du Tour de Lombardie en 2018, vainqueur d'étapes sur les trois grands Tours - autant que de sa personnalité. "On tourne une page avec le départ de Thibaut. C'est vrai que quand un coureur comme lui met un terme à sa carrière, ça fait un trou, ça fait un vide", constatait Marc Madiot lors d'un rassemblement de l'équipe, le 10 janvier à Paris. "C'était un personnage qui générait de l'attachement. Si le public s'est attaché à Thibaut, imaginez nous, en interne. Il va nous manquer, c'est une certitude. Mais la page se tourne, il faut le faire et on est prêts à écrire de nouvelles pages", renchérit Philippe Mauduit, directeur sportif qui a pris du galon cet hiver en devenant directeur du pôle sport après le départ d'Yvon Madiot.
La plus jeune équipe du World Tour en 2024
De quoi est donc composée cette nouvelle page ? De jeunes espoirs, notamment. Avec les départs de Pinot (33 ans), mais aussi d'Arnaud Démare (32 ans) l'été dernier et la retraite de Matthieu Ladagnous (39 ans) cet hiver, l'équipe s'est largement rajeunie, au point de devenir la plus jeune du World Tour, avec 26 ans de moyenne d'âge.
Avec des leaders tous âgés de 30 ans ou moins (David Gaudu, Valentin Madouas, Stefan Küng, Romain Grégoire et Lenny Martinez), le coup de jeune est réel. Surtout, la formation met désormais au coeur de son projet son équipe de développement, la Conti, dont sont issus Martinez et Grégoire.
Les coureurs de l'équipe Groupama-FDJ lors de la Cadel Evans Great Ocean Road Race en Australie, le 28 janvier 2024. (CHRIS PUTNAM / AFP)
En 2024, la moitié de l'équipe est issue de cette Conti. Du jamais-vu pour une équipe de première division mondiale. Signe que le virage est radical et assumé, puisqu'aucun grand nom du peloton n'est venu les rejoindre. Un pari risqué, alors que Pinot et Démare pesaient à eux seuls 41 % du total de victoires de l'équipe (dont 56 % des succès en World Tour) depuis 2020 ?
"C'est un vrai déficit quand on regarde juste les statistiques. On se rend bien compte qu'en termes de victoires, on part avec un petit handicap, car Arnaud était un gros scoreur. Mais c'est une année de transition. On voulait se donner le temps de construire notre futur, et ça se passe étape par étape", tempère Philippe Mauduit. "Le maître-mot cette année, c'est la force collective. On a perdu nos grands anciens, mais on va se réinventer et se réorganiser avec l'influx qu'a pu développer la Conti et qui se transmet au sein de l'équipe première", appuie l'emblématique manager.
"Quand l'équipe a commencé en 1997, on avait signé deux coureurs de 19 ans, Jean-Patrick Nazon et Nicolas Vogondy. Les critiques pleuvaient en disant qu'on allait les casser et les détruire. Vogondy a été deux fois champion de France et Nazon a été maillot jaune et vainqueur d'étape sur le Tour." Marc Madiot, manager de la Groupama-FDJ en conférence de presse
Et si l'avenir pourrait leur donner raison, le présent s'en approche déjà, car la transition a débuté : en 2023, les jeunes formés par l'équipe ont ramené plus de la moitié des bouquets (10 sur 19) dont cinq pour le seul Romain Grégoire, meilleur scoreur français (avec Christophe Laporte et Rémi Cavagna) pour sa première année chez les pros, tandis que Lenny Martinez a porté le maillot rouge du Tour d'Espagne. "Je pense que Romain a tout pour lui. Les jeunes de la Conti ont démontré une force de caractère, une envie de progresser, le tout en s'appuyant sur le collectif de l'équipe", s'est félicité Madiot.
Les jeunes forment désormais le socle de la formation française. Le départ de Pinot a aussi redistribué les cartes plus haut. David Gaudu et Valentin Madouas sont désormais les têtes d'affiche principales sur les courses par étapes. Mais les deux plaident pour une hiérarchie beaucoup plus horizontale que par le passé : "Il n'y a pas qu'une tête d'affiche dans l'équipe, on est un groupe de leaders qui tirera aussi les équipiers vers le haut. En termes d'atmosphère, au rassemblement [en décembre], j'ai rarement ressenti un collectif comme ça", affirme David Gaudu, qui sera aligné sur le Tour de France, mais aussi sur la Vuelta. "Avec David, on a pris un peu plus de leadership cette année car avant, on n'avait pas le palmarès de Thibaut ou d'Arnaud. Ça va être à nous de montrer l'exemple aux plus jeunes, les inciter à prendre des risques et garder leur insouciance", appuie Valentin Madouas.
Tous insistent sur une cohésion encore renforcée lors du rassemblement d'hiver, avec un débriefing de la Grande Boucle, achevée sans victoire. "On a pu se dire les choses en interne et c'était très, très bien, ça a soulevé beaucoup de choses. Pas forcément négatives, mais plus sur le fonctionnement du Tour, les résultats physiques. Il n'y avait pas de sujet tabou", dévoile David Gaudu.
Groupama-FDJ souhaite ne pas revivre l'imbroglio de 2023, avec des sélections tardives pour le Tour qui ont perturbé l'effectif. L'équipe a donc déjà annoncé sa présélection, avec quatre des huit coureurs officiellement présents (Gaudu, Madouas, Küng et Grégoire). "Ça avait marché en 2019 et 2022, donc on a repris ce schéma-là", confirme Valentin Madouas.
Une stratégie plus collective sur le Tour
Après une édition discrète, où la stratégie du "tout pour Gaudu" a abouti à une 9e place finale, mais sans le relief espéré, le virage stratégique a déjà débuté. "La direction sportive m'a proposé deux plans : un plan A sur le système de l'an passé, avec tout le monde autour de moi. Et un plan B avec des coureurs qui vont être choisis pour aller dans les échappées avec du support car ils sont en capacité de gagner. Et sans faire de langue de bois, en 15 secondes, je leur ai dit de rayer le plan A car ça ne servira à rien, ça ne marchera pas", tranche le Breton, qui devra lutter en juillet avec les "4 Fantastiques" Jonas Vingegaard, Tadej Pogacar, Remco Evenepoel et Primoz Roglic. "Le plan B, c'est celui qui me botte vraiment : voir des étapes comme en 2022 avec Valentin échappé et nous dans le groupe derrière, lance Gaudu. On vibrait parce qu'on savait que la victoire se jouerait devant ! On est donc partis sur ça, parce que quand on est une équipe française sur le Tour, on a envie de donner des émotions aux gens."
L'hiver a aussi permis de modifier la préparation d'avant-saison. L'équipe a accueilli un nouveau partenaire cycles, Wilier, après la fin de la collaboration avec Lapierre, présent depuis 2002. C'était le plus ancien contrat entre une équipe World Tour et son partenaire vélo. Le staff a également été remodelé, avec l'arrivée inédite d'un jeune directeur sportif néo-zélandais, William Green, afin de faciliter la passerelle avec les cinq Anglo-saxons d'une équipe qui compte 12 étrangers sur 27 coureurs.
David Gaudu, lui, a déménagé près de Nice pour profiter du soleil hivernal à l'entraînement, au point de même croiser... Tadej Pogacar : "Avoir le soleil, c'est quelque chose qui a changé énormément mon entraînement cet hiver." L'autre leader, Valentin Madouas, a ajusté son approche avant la reprise. "Les dernières années, je mettais un peu plus d'intensité en décembre, je commençais déjà à faire un peu plus le job sur tout. Là, je ne me précipite pas, je sais que j'ai le temps et que j'avance beaucoup plus sereinement que les dernières années", assure le champion de France 2023.
Du changement dans la continuité, donc. Marquée par le départ de celui qui transcendait les clivages de supporters, Groupama-FDJ a néanmoins bien préparé l'avenir. Avec déjà deux victoires en 2024, la transition semble bien lancée. Mais sa réussite sera surtout jugée à l'aune du Tour, où l'équipe française court derrière un succès depuis 2019. C'était au Tourmalet, c'était l'œuvre de Thibaut Pinot.
Source: Franceinfo
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